Emmanuelle Soulard - Auteur de le dragon de ténèbres et Le dragon d'ombres
Quelques questions sur vous et l’écriture
- Présentez-vous en quelques mots.
Toujours très difficile comme question… Je suis l’auteur d’une trilogie de romans fantasy (ou presque : le tome 3 est en cours de finalisation). Je pense que l’écriture est un long apprentissage, et que j’en ai à peine effleuré la surface. J’aimerais pouvoir contribuer à rendre le monde meilleur, avec mes petits moyens. Et pour cela, je vais vous révéler un secret trop bien gardé : le bonheur est un état d’esprit.
J’adore étudier l’esprit, le cerveau, les émotions. Et l’écriture est dans ce domaine un champ d’application presque infini (coup de chance pour moi !).
- Parlez-nous de votre dernier ouvrage.
Le tome 2 de la trilogie des Invocateurs, le Dragon d’Ombres, est paru depuis début décembre 2014, et en parler longuement serait risquer de le spoiler ainsi que le tome 1, le Dragon de Ténèbres. Remarque identique pour le tome 3. Alors je vais parler des trois à la fois :
On y trouve de la romance, un rien d’enquête, des périls mortels, de preux chevaliers et des chevaliers un peu moins preux. Ah oui, et aussi des dragons, j’imagine que vous vous en doutiez…
- Depuis quand écrivez-vous ?
Mon plus lointain souvenir remonte à mes douze ans, et vu mon âge canonique, ça commence à faire une paye ! (oui, mon vocabulaire date aussi du début du siècle. Ça aide quand on écrit du médiéval fantastique…)
- Que vous apporte l’écriture ?
Une évasion avant tout. Et je trouve qu’écrire comporte une magie unique. Une façon de s’extraire du monde, et de se connecter à autre chose, pétri d’émotions pures. Comme une bonne séance de cinéma devant un chef d’œuvre, mais puissance dix million (à peu près).
- Dans quelle condition écrivez-vous ?
Des conditions très difficiles, surtout en ce moment. Ma vie personnelle est très chargée, avec des challenges professionnels et des enfants en bas âge, alors j’écris surtout quand je le peux, c’est-à-dire souvent tôt le matin. Quand la maison dort encore, et que les chats font leur tour dehors. Parce que dès qu’elles rentrent, elles ne veulent rien savoir, et viennent se coucher d’office sur mes genoux. Et j’ai droit à des départs furibonds si j’ai le malheur de ne pas les prendre en compte et de continuer à taper. Très difficiles, les conditions, je vous l’ai dit…
- Quelle est votre source d’inspiration ?
Pas la moindre idée. Je vis dans mon univers depuis si longtemps que j’en ai jeté la clef. Mon esprit passe la porte sans jamais me prévenir, et sans que j’ai la moindre idée du déclencheur… Quoique, à bien y réfléchir, si, il y a un point commun : l’émotion. Dès qu’elle est un peu au-dessus de l’état de base, vous pouvez être sûr qu’elle va m’envoyer au moins une scène, si c’est pas un roman entier. Du coup, souvent les musiques me propulsent beaucoup plus loin que prévu, en général sur le dos d’un dragon en pleine attaque… Il vaut mieux avoir le cœur bien accroché (et honnêtement, être à jeun, ça aide !)
- Etes-vous écrivain à part entière ou exercez-vous une profession à coté ? si oui laquelle ? Que vous apporte-t-elle par rapport à votre travail d’écrivain ?
Je suis salariée, et je travaille dans la recherche clinique. Ce qui m’a apporté un roman entier, que je compte ré-écrire pour une prochaine publication. Mais me replonger dedans ne se fera pas sans douleur, et j’ai à peu près trois milliards de choses à terminer avant ça. Sinon, en termes d’écriture, mon travail actuel n’est pas ce qui m’apporte le plus.
Par contre, mon parcours m’a donné une curiosité insatiable. J’ai besoin de comprendre comment les choses fonctionnent. Du coup, mon principal sujet d’intérêt est la perception de la narration par le lecteur. Et dans ce domaine-là, si on fait converger les sciences cognitives, l’imagerie médicale fonctionnelle et les résultats empiriques de décennies d’exploitation du cinéma et de la vidéo, on peut en arriver à complètement révolutionner notre façon d’écrire.
- Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Oh oui ! J’estime que l’écriture est un apprentissage. Chaque roman est une façon d’apprendre, disons que ce sont les travaux dirigés. A côté de ça, il faut travailler les différentes techniques d’écriture, ce que je fais à temps plein en dehors de mes autres tâches. Et comme tout bon artisan, je ne m’estimerais pas écrivain tant que je n’aurais pas pondu un chef d’œuvre, dans le sens « compagnonnage » du terme. Le roman qui me prouvera que je commence à maitriser suffisamment l’écriture pour que je m’estime écrivain. La quintessence de tout ce que je suis en train d’apprendre. J’en ai déjà la trame, et les personnages principaux, mais je ne m’attaquerais pas à ce projet hautement ambitieux avant d’avoir terminé ma trilogie (mon galop d’essai) et plusieurs autres romans dans des genres très différents. L’écriture est un monde en soi. Elle offre de merveilleuses opportunités d’apprendre, de se forcer à sortir de sa zone de confort, et de toujours, toujours, aller puiser les émotions les plus fortes au plus profond de soi-même. C’est un processus parfois douloureux, mais c’est la seule manière d’être totalement vrai. Et si on a un minimum d’honnêteté, en tant qu’auteur, c’est ce qu’on doit à nos lecteurs.
- On dit souvent que l’auteur « fait passer un message » : est-ce le cas pour vous ? Si oui quel est ce message ?
C’est systématique. Platon disait qu’il fallait bannir les narrateurs de la société, car ils sont une menace pour la démocratie. A l’inverse des philosophes, qui expriment leurs idées tout haut, ceux qui racontent des histoires masquent leurs idées sous le couvert des émotions. Un roman qui n’a pas de message sous-jacent, ce qu’on appelle la thématique, n’a pas d’âme, et n’est qu’un divertissement pour celui qui l’a écrit. Concevoir sa thématique, ou au minimum la chercher après avoir écrit le premier jet est un des devoirs de l’auteur. De plus, elle donne non seulement un sens à toute la construction du roman, mais elle en est sa colonne vertébrale, ce qui fera que le tout semblera cohérent au lecteur. Le lecteur ouvre un livre pour se divertir. Mais les seuls livres auxquels il repensera lorsqu’il les aura refermés, sont ceux qui ont une thématique qui le touche. Pour ma part, je suis fascinée par la puissance des histoires. Par tous les moyens qu’elles nous offrent de parler directement à l’inconscient de nos lecteurs, à laisser des traces, voire même à bousculer leur système de croyances.
Les histoires sont les chevaux de Troie des auteurs.
- Si vous deviez changer quelque chose dans votre carrière d’écrivain, ce serait quoi ?
Rien. Ah si, avoir quelques millions de lecteurs en plus, juste histoire de pouvoir me consacrer pleinement à l’écriture sans devoir me soucier de faire autre chose pour faire bouillir la marmite…
- Comment s’est fait le choix de votre maison d’édition ?
Assez facilement, en fait. Je suis d’abord passé par l’incontournable de la fantasy en France, mais il parait que cette maison-là met en moyenne deux ans pour répondre aux auteurs qui les contactent. Délais qui n’est pas encore écoulé, mais pendant lequel j’ai pu publier deux romans. Si ça se trouve, ils ne vont pas tarder à me dire qu’ils veulent mon manuscrit… Sinon, les éditions Hélène Jacob ont été un choix évident après avoir fait un peu le tour des éditions qui surfent sur la vague du numérique. Ils allient professionnalisme, connaissance de leur métier et de ses évolutions, et bonne communication avec les auteurs. Et je ne pense pas que j’aurais pu trouver un autre endroit où l’entente est si poussée entre les auteurs et l’équipe. Pouvoir s’appuyer sur la force d’un groupe lorsqu’on commence son métier d’auteur, pour aider à passer les doutes, les problèmes techniques, et se motiver les uns les autres, c’est extrêmement puissant. Et on se paye aussi de bonnes tranches de rigolade, ce qui n’est pas la moindre des choses !
Quelques questions sur vous et la lecture
- Qui vous a fait aimer la lecture/ l’écriture ?
La lecture, c’est surtout qu’enfant, je vivais dans un petit village où il n’y avait pas grand-chose à faire... Pour l’écriture, c’est venu naturellement à partir du collège.
- Quel est votre auteur préféré en dehors de vous-même bien sûr ! ?
Oulla ! Je suis loin d’être mon auteur préféré ! Paradoxalement, je ne lis pratiquement plus pour le plaisir. L’essentiel de ce que je lis consiste en des ouvrages techniques. Mais lorsque je lisais, j’avais un petit faible pour Michael Crichton, qui construit ses ouvrages comme de véritables démonstrations mathématiques (Jurassic Park en est un exemple stupéfiant, et le film lui rend un bien piètre hommage). Et si je ne dois en garder qu’un ce sera Terry Pratchett, parce qu’aucun autre auteur ne m’a jamais autant fait rire. En dehors du support livre, j’ai un gros faible pour Alexandre Astier. Pas seulement parce qu’il est capable d’une subtilité impressionnante dans ses constructions, mais aussi parce qu’une série de vidéos de lui est en partie à l’origine la révélation qui a changé ma vie : l’écriture doit s’apprendre.
Bon, d’accord, ça en fait trois, mais j’ai jamais été douée en math…
- Quel type de lecteur êtes-vous ?
Un petit lecteur. Malheureusement. (ou plutôt une petite lectrice, pour être plus précise)
- Qu’aimez-vous lire ?
Des univers qui me dépaysent et me font voyager. Des livres dont la construction est solide, et qui jouent autant sur l’histoire qu’ils offrent, que sur les messages sous-jacents. Des livres qui m’apprennent des choses.
Quelques questions sur les blogs et tout le reste …
- Que pensez-vous des blogs littéraires ?
Le plus grand bien ! C’est une voix qui s’élève contre l’uniformisation que nous imposent les médias, et c’est une excellente chose. C’est même un des principaux leviers pour les auteurs peu connus.
- Que pensez-vous de mon blog en particulier et quel est pour vous l’intérêt de répondre à ce petit questionnaire ?
Ce blog est bien fait, par une lectrice impartiale et qui a des valeurs. Qui sait allier subtilement intégrité et sensibilité, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Et il est largement alimenté, ce qui n’est pas peu dire ! La visibilité qu’il offre n’est donc pas du tout négligeable…
- Comment gérez-vous les critiques des lecteurs de blogs qui ne sont pas des spécialistes ? (critique positive et négative) ?
Les premières critiques négatives ont été très dures à vivre. Mais comprendre qu’on ne peut pas plaire à tout le monde est un incontournable du métier d’auteur. Depuis que j’ai réussi à le faire, je lis toujours toutes les critiques avec attention. Souvent, ce sont les pépites qui nous montrent le prochain point sur lequel il faut s’améliorer.
- Si vous deviez remercier un professeur que vous avez eu : ce serait qui et pourquoi ?
Ce serait mon professeur de science naturelle au lycée. Grâce à lui, j’ai pu pousser mes études très loin dans le domaine de la biologie moléculaire. Même si cette partie de ma vie est révolue, elle a été d’un apport non négligeable dans mon évolution.
- Pensez-vous que les jeunes ne sont plus capables d’apprécier la lecture ? Quels remèdes proposeriez-vous ?
Il faut bien que reconnaitre que les longues après-midi où on pouvait prendre le temps de lire ne me semblent plus l’apanage des jeunes de nos jours. Le monde va beaucoup plus vite, maintenant, il privilégie l’image. La vitesse. Le rapide. C’est pourquoi la façon d’écrire des auteurs doit évoluer en conséquence, s’adapter à ce monde, et se montrer au niveau de ses principaux rivaux : le cinéma, la vidéo. Je ne pense pas que ce soit un challenge perdu d’avance, parce que les gens sont et seront toujours féru de bonnes histoires. Il suffit juste de leur prouver qu’un support en vaut un autre.
- Que pensez-vous du boom des éditions numériques ?
Que c’est une révolution en marche, et qu’elle va changer le modèle économique de l’édition.
- Quels conseils donneriez-vous aux jeunes écrivains ?
Si vous avez en vous cette envie d’écrire, de raconter des histoires, de passer du temps avec vos personnages, de les faire vivre et évoluer, et que vous voulez partager ça avec le plus grand nombre, n’hésitez plus, lancez-vous ! Mais ne pensez pas que votre premier roman sera un best-seller qui fera de vous un millionnaire. Votre premier roman sera la première marche de votre parcours d’écrivain. Et, franchement, c’est un parcours vraiment génial à vivre.
La parole est à vous : Une dernière phrase ? pensée ? critique ?
Merci pour m’avoir donné l’occasion de me présenter dans ces pages. J’espère que les histoires que je raconte vous plaisent. Elles n’ont pas d’autre but.