Frédéric Soulier - Auteur de Le trou de ver dans la maison du crack, Retour à la cité des monstres, L'appel du Dieu-Ventre et Le Ténébriarque
Présentez-vous en quelques mots.
Frédéric Soulier, 38 ans, esclave en usine. Sans enfants. Vous voulez pas mes mensurations exactes, tout de même ?
Parlez-nous de votre dernier ouvrage.
Je viens de mettre sur amazon ma dernière nouvelle : L'appel du Dieu-Ventre (journal d'un carnivore). J'avais depuis longtemps envie d'écrire sur la faim. Je pense que l'estomac et le sexe conditionnent la plupart des actes des individus.
Depuis quand écrivez-vous ?
Depuis l'âge de neuf ou dix ans, sporadiquement, et depuis environ quatre ou cinq ans trés sérieusement, deux heures par jour (faute de plus de temps).
Que vous apporte l’écriture ?
Des piscines remplies d'or. Non, je déconne, l'écrivain qui peut prétendre gagner sa vie avec sa plume a soit le cul bordé de nouilles, soit un talent incroyable ; plus vraisemblablement, il sait là comment flatter le lecteur. Ce que m'apporte l'écriture, c'est un effet cathartique. Je me purge l'esprit de la sanie qui s'y accumule. Je suis un taiseux dans le quotidien, mais bavard à l'écriture. Mais surtout, j'y trouve du plaisir. Chaque phrase couchée c'est une giclée d'endorphines dans le cortex.
Dans quelle condition écrivez-vous ?
J'ai la faculté de pouvoir m'isoler mentalement de ce qui m'entoure. Je peux écrire avec la télé qui braille à côté, avec Zaz qui pousse la chansonnette et les types de la DDE qui défoncent le macadam au marteau-piqueur. Quand j'écris et qu'on me parle, j'ai tendance à faire des réponses laconiques qui signifient peu ou prou : "casse-toi de là tu me déranges".
Quelle est votre source d’inspiration ?
L'actualité. Y a qu'à ouvrir un journal pour avoir le sujet d'une histoire. Les anecdotes personnelles ou celles que l'on me rapporte sont aussi une source inépuisable. Bien sûr, je suis également trés influencé par les oeuvres que j'ai lues ou vues.
Etes-vous écrivain à part entière ou exercez-vous une profession à coté ? si oui laquelle ? Que vous apporte-t-elle par rapport à votre travail d’écrivain ?
Les écrivains qui peuvent vivre de leur plume sont de plus en plus rares. La plupart sont obligés de se prostituer pour survivre (comprendre "racoler sur facebook et/ou sur des forums"). Moi j'ai choisi de travailler en usine. Ce que cela m'apporte ? De quoi payer le loyer et bouffer des nouilles au beurre.
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Est-ce que l'héroïnomane a envie d'un autre fix ? Dans l'immédiat, je vais m'atteler à l'écriture de la suite du cycle du Ténébriarque.
On dit souvent que l’auteur « fait passer un message » : est-ce le cas pour vous ? Si oui quel est ce message ?
Un auteur qui n'a aucun message à faire passer est un auteur médiocre. Y en a moults, qui mettent un mot devant l'autre sans se soucier du fond. C'est le commissaire machin qui doit résoudre un meurtre horrible, c'est l'histoire vraie de machine qui s'est fait violer par son tonton quand elle était môme... Moi je n'aurai de cesse de metttre l'humain en face de ses contradictions, et de taper sur la religion, le fléau de l'humanité.
Comment s’est fait le choix de votre maison d’édition ?
Outre le format numérique sur amazon, mes deux premiers romans sont auto-édités aux Editions du Net (un éditeur "à la demande). Retour à la cité des monstres est vendu dix-huit euros sur leur site, Epilogue seize euros. Ca fait cher le kilo de papier. Trop cher. Moi je ne voudrais pas mettre un tel prix dans un auteur inconnu. C'est pourquoi mon troisième roman, les versets du Dernier Soupir, n'est disponible qu'au format dématérialisé (c'est plus chic qu'ebook, je trouve). Vu sa longueur, 840 000 signes, il aurait fallu que je le vende près de vingt-cinq euros. Impensable.
Qui vous a fait aimer la lecture/ l’écriture ?
J'ai compris que je voulais devenir écrivain quand j'ai découvert une malle remplie de romans de San-Antonio dans le grenier de ma grand-mère. Romans que j'ai dévorés en un été. Avant ça, je lisais déjà tout ce que je trouvais, de la collection "bibliothèque verte" jusqu'à Jules Verne. Les Tintin et les Astérix, en boucle...
Quel est votre auteur préféré en dehors de vous-même bien sûr ! ?
Comme je l'ai dit, j'ai eu mes premières érections littéraires en lisant Frédéric Dard. Stephen King m'a également beaucoup influencé. Ce type-là, il pourrait me parler d'un tournoi de curling, qu'il arriverait à me passionner. LF Céline, quand il n'écrivait pas sous l'empire de la haine, me fascine, et Cavanna, je m'en fais des tartines délectables. Chuck Pahlianuk, Harry Crews, Selby, Michel Tournier, sont aussi quelques uns de mes héros.
Quel type de lecteur êtes-vous ?
Compulsif. Je lis tout ce que je peux. Un livre par semaine en moyenne. A ce sujet, j'ai mis un appel à candidatures sur mon blog : http://aspirant-auteur.over-blog.com/2015/03/appel-a-candidatures.html Avis aux masochistes, ou aux gens sûrs de leur talent.
Qu’aimez-vous lire ?
De tout, du moment que c'est bien écrit, et pas mielleux. Les trucs avec la plume trempée dans le vitriol, c'est quand même ce que je préfère. Et les polars, c'est ma petite friandise que j'aime m'offrir de temps en temps. Cela dit, on aura du mal à me faire acheter un roman historique ou un essai de philosophie. Ben ouais, je suis un sanguin moi, j'ai horreur des préliminaires, faut tout de suite que ça fouaille !
Que pensez-vous des blogs littéraires ?
Ils ont le mérite d'exister. Souvent, ce sont de vulgaires vitrines à visée mercantile, mais parfois on y trouve des réflexions interessantes et de la prose de qualité. Je crois surtout qu'ils sont lus par des auteurs, et pas par les lecteurs, mais je peux me tromper.
Que pensez-vous de mon blog en particulier et quel est pour vous l’intérêt de répondre à ce petit questionnaire ?
Pardi, faire ma pub. Racoler, comme tout le monde !
Comment gérez-vous les critiques des lecteurs de blogs qui ne sont pas des spécialistes ? (critique positive et négative) ?
Les quelques retours assortis de critiques que j'ai reçues m'ont beaucoup apporté. Par exemple, un lecteur m'a reproché d'abuser un peu trop des métaphores et des comparaisons. C'était trés juste, et j'ai donc essayé de rectifier le tir lors de l'écriture de mon bouquin suivant. Les louanges, ça fait toujours plaisir, mais ça n'apporte pas grand chose.
Si vous deviez remercier un professeur que vous avez eu : ce serait qui et pourquoi ?
Je n'ai pas eu la chance de tomber sur LE professeur génial. Un Robin Williams comme dans Le cercle des poètes disparus.
Pensez-vous que les jeunes ne sont plus capables d’apprécier la lecture ? Quels remèdes proposeriez-vous ?
Initier les mioches à la lecture par Emile Zola ou Victor Hugo, c'est pas trés judicieux... Bon, je n'irais pas jusqu'à proposer de leur infliger du Marc Lévy dès la sixième (ou alors, en guise de colle), mais les grands auteurs classiques ne doivent pas être subis mais choisis.
Que pensez-vous du boom des éditions numériques ?
Ca permet aux laborieux comme moi d'exister un peu, qui sans ça garderaient leurs manuscrits dans leurs tiroirs.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes écrivains ?
Pour progresser : lisez. Les cours d'écriture à l'académie Balzac à 2 000 euros, c'est de la fumisterie. On fait pas d'un canasson un cheval de course en une semaine.
La parole est à vous : Une dernière phrase ? pensée ? critique ?
Crever, c'est mourir un pneu.
A la revoyure !