La question de l'homme dans les genres de l'argumentation (Objet d'étude 1ere)
La question de l’homme dans les genres de l’argumentation
I) Qu’est-ce que la « question de l’homme » ?
1- Qu’est-ce qu’un homme ?
Qu’est-ce qui distingue l’homme de l’animal ? L’homme est-il avant tout un corps, un esprit ou une âme ? Quelle est la place de l’homme dans la nature ?
2- Un homme ou des hommes ?
Moi et l’autre : existe-t’il une nature humaine ? Différence des individus ? Comment définir l’humain ? Comment l’homme peut-il se reconnaitre dans les œuvres d’un autre temps, d’un autre pays ? Existe-t-il des valeurs universelles ? Comment l’homme trouve-t-il sa place dans la société ?
Oppression, racisme et pouvoir : peut-on établir une hiérarchie entre les humains ? Certains ont-ils des droits sur d’autres humains ? Quelle est la légitimité du pouvoir ?
3- Qu’est-ce que la condition humaine ?
L’homme peut-il être heureux ? Qu’est-ce qu’être libre ? L’homme est-il soumis à une force supérieure ou est-il maître de son destin ? Diu existe-t-il ou est-il une création humaine ? Quelles valeurs doivent guider la vie des hommes ?
4- En résumé …
S’interroger sur l’homme, c’est prendre en compte ses divers aspects en tant qu’individu mais aussi en tant que membre d’un groupe social. C’est également aborder les questions d’ordre social, politique, scientifique, éthique et religieux. Chaque époque apporte à ces questionnements fondamentaux des réponses qui définissent une vision de l’homme et privilégie certains genres littéraires et certaines stratégies argumentatives.
II) Argumenter, convaincre et persuader
1- Les stratégies argumentatives
Argumenter, c’est soutenir ou contester une opinion, une idée dans le but d’obtenir l’adhésion de celui à qui l’on s’adresse. Convaincre, c’est faire appel à la raison et à la logique grâce à un raisonnement construit. Persuader, c’est faire appel à la sensibilité et aux émotions grâce à des procédés stylistiques et oratoires. Délibérer c’est débattre avec soi ou quelqu’un afin de prendre une décision.
2- Les éléments de l’argumentation
L’argumentation suit une progression et comporte des éléments obligés : le thème (de quoi parle le texte ?), la problématique (questions portant sur ce sujet), la thèse (l’opinion, la proposition soutenue)
3- Le paragraphe argumentatif
Il énonce en général la thèse et comporte des arguments et des exemples. Les arguments servent de preuves pour soutenir, démontrer ou contredire la thèse avancée. Ces illustrations concrètes et précises renforcent les arguments. Un exemple peut être illustratif ou argumentatif. On peut emprunter des exemples à la réalité, la littérature, aux arts ou à sa propre expérience personnelle.
4- Les raisonnements pour convaincre
Le raisonnement inductif part d’un exemple pour déboucher sur une thèse générale.
Le raisonnement déductif part d’une idée générale pour déboucher sur des propositions particulières.
Le raisonnement par concession se construit en deux temps : l’auteur admet des arguments qui s’opposent à sa thèse pour nuancer ou maintenir son propre point de vue voire mieux défendre ses arguments.
Le raisonnement dialectique pèse le pour et le contre, fournit des arguments favorables puis défavorables à une thèse pour dépasser et résoudre cette contradiction.
Le raisonnement par analogie tire des conclusions similaires de deux réalités proches que l’on a comparées. Il se fonde sur la comparaison.
Le raisonnement par l’absurde prouve la validité d’une thèse en montrant que la thèse adverse aboutit à des conclusions absurdes.
III) Les procédés de la persuasion
1- Affirmer une présence et créer des liens affectifs
Pour toucher le lecteur, le locuteur doit créer des liens avec lui et donc manifester sa propre présence (1er personne, marques de subjectivité).
Il faut que le destinataire se sente directement concerné (2e personne). On peut également recourir aux procédés de la sollicitation (apostrophe, question rhétorique)
On peut réaliser la complicité entre le locuteur et le destinataire en associant ce dernier à l’énonciation (1er personne du pluriel, « on »)
2- Insister, faire naître des émotions et surprendre
La répétition d’un ou plusieurs mots provoque un effet de martèlement. La répétition peut aussi se jouer au niveau syntaxique. Le parallélisme reproduit la même construction dans une succession de phrases. L’amplification donne de la force par l’énumération et l’accumulation par la gradation ou l’hyperbole. Certains éléments peuvent être mis en relief par des présentatifs.
La dramatisation paralyse l’esprit critique et la raison du destinataire.
L’antithèse oppose fortement deux termes qui se mettent en scène. L’oxymore juxtapose deux termes contradictoires et crée le paradoxe. L’ironie déstabilise le destinataire et force sa réflexion.
IV) Les genres de l’argumentation directe
1- Les genres de l’argumentation directe
L’essai : est un texte de réflexion personnelle où l’auteur argumente de façon subjective. Sa forme est très libre, son ton très personnel. La présence de la 1ère personne est très sensible. L’auteur y fait souvent référence aux thèses adverses. Ses formes sont multiples (méditation, article, traité, pamphlet,…) Il recourt à des registres multiples (didactique, polémique, humoristique, ironique,…)
Les lettres et la lettre ouverte : La lettre ouverte s’adresse à plusieurs destinataires, elle est donc du domaine public. Elle instaure le débat et se prête aux prises de positions polémiques (« J’accuse » de Zola). Elle peut être très longue (autant qu’un livre).
2- Le dialogue, un genre hybride
Le dialogue argumentatif est la transcription littéraire au style direct d’une conversation. Il peut apparaitre dans plusieurs genres littéraires, il appartient plutôt à l’argumentation indirecte.
C’est un aussi un genre de l’argumentation directe : un débat d’idées destiné à être lu, l’un des interlocuteurs étant souvent l’auteur, sa forme permet la multiplication des points de vue. Le dialogue didactique met en présence un personnage qui a le savoir qu’il transmet à un interlocuteur. Dans le dialogue polémique, les deux interlocuteurs sont sur un pied d’égalité et se contredisent. Dans le dialogue dialectique, les interlocuteurs cherchent à résoudre une difficulté commune et progressent dans la réflexion par un jeu de questions-réponses.
Il faut savoir définir l’identité et la personnalité des interlocuteurs, exposer clairement la ou les thèse(s) en présence en en donnant la valeur argumentative et trouver le fil conducteur qui dirige le dialogue.
V) Les genres de l’argumentation indirecte
1- Présentation
Le rôle de l’implicite y est important. Le genre privilégié de l’argumentation indirecte est l’apologue (récit allégorique qui comporte une histoire et dont le lecteur peut tirer une leçon morale). L’apologue se lit donc à deux niveaux : il a un sens littéral et un sens symbolique. La thèse peut être explicite ou implicite.
2- La fable
Court récit en vers, elle comporte des personnages souvent simplifiés, symboliques, du merveilleux ou du surnaturel et une morale ou leçon. Elle emprunte à plusieurs registres (comique, parodique, satirique) et vise à la critique.
Jean de la Fontaine (XVIIe siècle) en a fait un genre littéraire à part entière. Il observe et critique son époque à travers elles. Des écrivains comme Anouilh ou Queneau (XXe siècle) ont souvent pratiqué la réécriture à partir des fables de La Fontaine.
3- Le conte philosophique
Court récit en prose, le conte philosophique est un mélange entre le conte et des réflexions philosophiques. Voltaire en est le maître.
Il comprend un récit fictif plaisant avec un héros et des personnages schématisés et une leçon morale ou philosophique. Il fait appel à l’imagination et à la raison. Il joue souvent sur l’ironie, les registres humoristiques et didactiques ou critiques.
Il peut parfois prendre la forme de l’utopie qui est un récit qui présente les mœurs et l’organisation sociale et politique d’un monde imaginaire idéal et irréalisable pour mettre en avant les travers de notre société, il a donc une portée critique implicite.
4- Les atouts de l’argumentation indirecte
Elle fait appel au gout pour les histoires et les émotions. Elle touche un public large et permet l’évasion dans d’autres mondes. Sa palette de registres est large. Elle implique de la part du lecteur une démarche inductive (de l’exemple à la généralité) et un effort d’interprétation.
VI) L’éloquence dans l’Antiquité
1- Les origines de l’éloquence
Les civilisations antiques reposaient exclusivement sur la communication orale dans la vie politique militaire ou juridique. L’éloquence apparait comme genre littéraire à Athènes aux Ve et Ive siècles avant JC. L’éloquence judiciaire se nourrit de la passion des citoyens pour les procès. Les prises de parole ont lieu sur l’agora athénienne ou le forum romain. Pour se faire entendre, l’orateur dispose de la force de la voix et du geste, de la qualité de son style, de la pertinence de ses arguments ainsi que de la clarté et la vivacité de son argumentation.
2- A l’école de rhéteurs
Le professeur d’éloquence s’appelle le rhéteur, dans l’Antiquité. L’exercice essentiel est la controverse utilisée pour discipliner l’esprit et l’habituer à argumenter.
Le rhéteur est parfois appelé sophiste (nuance péjorative). Le sophiste se prétend capable de soutenir avec succès deux thèses contraires sans se soucier de préoccupations morales ni du respect de la vérité quitte à recourir à des arguments spécieux (des sophismes).
Tous les hommes sont mortels
Platon est un homme
Donc Platon est mortel.
3- Les cinq étapes d’un discours
Aristote distingue cinq étapes dans la composition d’un discours :
L’inventio est la recherche des arguments, des exemples ou des raisonnements pour convaincre ou persuader un public.
La dispositio est le plan qui comprend l’exorde (introduction), la narration (rappel des faits), la confirmation (justification des preuves) et la péroraison (conclusion).
L’elocutio est la phase de transformation des arguments en phrases pour frapper le public. Elle comporte l’electio (art de choisir les mots) et la compositio (art d’arranger les mots en phrases)
La memoria permet à l’orateur de s’adapter aux réactions du public et à la situation.
L’actio est la mise en scène par la voix, les gestes, les expressions et les jeux du regard.
4- De grandes figures de l’Antiquité
Gorgias et Protagoras sont des sophistes célèbres du Ve siècle. L’auteur latin, Cicéron, nous a laissé un grand nombre de discours importants. Il a aussi rédigé des traités de rhétorique qui faisaient autorité.
VII) La question de l’homme aux XVIe et XVIIe siècles
1- La Renaissance : foi et doutes en l’homme
Les humanistes de la Renaissance rejettent les valeurs du Moyen-Age et placent l’homme au centre de leur réflexion. Ils retiennent l’idée antique d’une harmonie nécessaire entre corps et esprit. Ils croient en une nature humaine universelle ainsi que la diversité des humains.
Les atrocités des guerres de Religion et de la colonisation introduisent un doute sur l’homme et sur la « misère de notre condition ».
2- Le XVIIe siècle : deux visions contrastées de l’homme
Il y a deux conceptions religieuses de l’homme et du monde s’opposent. Pour les jésuites, l’homme peut exercer sa liberté, son libre-arbitre sur terre pour gagner son salut. Pour les jansénistes, Dieu a déterminé de toute éternité qui sera sauvé ou damné : l’homme lui est soumis.
La vision baroque est une vision du monde instable dans lequel l’homme est maitre de son destin. Les libertins revendiquent la liberté de penser par eux-mêmes, contestent l’organisation et conçoivent un monde sans Dieu.
La réaction assez pessimiste des classiques appuie sa réflexion sur la notion de nature humaine permanente et universelle. Il dépend de la volonté de Dieu. Il est aussi victime des passions qui le trompent mais peut atteindre à une certaine grandeur. Le modèle social idéal est l’honnête homme qui fuit les attitudes extrêmes et soumet tout à sa raison.
Le mouvement, la complexité, l’imbrication du baroque s’opposent à la fixité et à la rigueur géométrique du classicisme.
VIII) La question de l’homme au XVIIIe siècle
1- Conscience de la relativité des mœurs et des valeurs
Les Lumières désigne un mouvement européen, il s’agit des lumières de la raison que l’homme doit exercer librement pour accéder à l’indépendance intellectuelle et morale. Les hommes des Lumières prennent conscience de la diversité de l’homme selon les lieux et les temps et de la relativité des mœurs, des lois, de la morale, de la littérature.
2- Le philosophe éclairé, homme citoyen contestataire
L’homme idéal des Lumières est le philosophe, homme social, qui par son usage de la raison remet tout en cause. Il veut vulgariser les connaissances humaines et les débats philosophiques. Il veut construire un monde meilleur fondé sur la tolérance, la paix, le recul de l’ignorance, la liberté de penser, le pluralisme religieux, le progrès scientifique. Son but est que l’homme connaisse sur terre le bonheur et le bien-être matériel.
IX) La question de l’homme aux XIXe et XXe siècles
1- Le XIXe siècle : l’individu et ses passions
Le romantisme (1820-1850) : il refuse l’optimisme et la prédominance de la raison. L’homme est n être d’émotion qui fuit dans le rêve une société qui ne le comprend pas. Il privilégie l’imagination, la sensibilité, l’individu et la communion avec la nature.
Le réalisme et le naturalisme (1848-1890) : il apparait en réaction contre l’idéalisme romantique car la révolution industrielle change le regard sur l’homme. L’homme est décrit comme le produit de son hérédité et de son environnement socioculturel. La littérature veut soit reproduire fidèlement la réalité dans sa dimension quotidienne (réalisme) soit analyser les êtres humains et la société en appliquant les méthodes des sciences expérimentales (naturalisme).
Le symbolisme (1885-1900) : ils refusent d’expliquer le monde par la science. Pour Verlaine, Rimbaud et Mallarmé, le monde apparent masque des réalités mystérieuses, invisibles. Les symbolistes s’attachent à les décrypter et à exprimer les profondeurs cachées de l’être humain, la réalité spirituelle.
2- Le XXe siècle : déshumanisation, nouvel humanisme
Le traumatisme des deux guerres mondiales, la disparition des repères religieux et des valeurs ont dégradé la notion d’homme et entraine la conscience de l’absurdité et de l’impossibilité de communiquer.
Les progrès technologiques et scientifiques ont nourri une foi en l’homme mais aussi une angoisse ace à l’exploitation immorale et inconsciente éventuelle des découvertes modernes. Les écrivains incitent à dépasser ce sentiment de l’absurde, à donner un sens à l’existence par l’engagement politique et un humanisme moderne fondé sur la résistance et la solidarité.
La photographie et le cinéma dénoncent et se mettent au service de l’argumentation.
éditions Hatier année 2011