Musset - Lorenzaccio - acte IV scène 11 (Explication de texte)
EXPLICATION DE TEXTE : MUSSET, LORENZACCIO, ACTE IV SCENE 11
INTRODUCTION
Musset publie Lorenzaccio en 1834 comme un « spectacle dans un fauteuil ». Pour l’écrire, il s’est inspiré de l’ouvrage que George Sand lui a confié : Une conspiration en 1537. Il n’en verra jamais la représentation de son vivant. Cette pièce est représentative d drame romantique qui a fait son apparition en France avec Hugo. En effet, Musset s’est libéré des règles classiques et a créé un véritable héros romantique en prise avec lui-même et le monde dans lequel il cherche sa place. Nous avons ici l’acte IV, scène 11 qui est l’une des scènes attendues car il s’agit du meurtre du duc Alexandre par Lorenzo. Elle pourrait constituer la fin de la pièce mais nous verrons qu’il s’agit en fait d’un faux-dénouement destiné à créer un nouvel horizon d’attente.
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LECTURE
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Dans cette scène, il y a trois personnages : Lorenzo, le Duc et Scoronconcolo (le maître d’armes). Il s’agit de la scène qui va libérer Lorenzo : il va enfin mettre son projet à exécution. Cette scène est typique du drame romantique : elle ajoute à la violence du meurtre, un lyrisme libérateur. En quoi cette scène qui est un faux-dénouement annonce-t’elle déjà l’acte V ? La scène se décompose en 3 mouvements : l.1 à 23 : la préparation du meurtre, l.23 à 28 : le meurtre proprement dit et l.29 à 50 : la libération de Lorenzo.
EXPLICATION
Lignes 1 à 23 : la préparation du meurtre
LE DUC :
- Didascalie initiale : lieu intime où le masque tombe. Confiance du Duc.
- « mignon » : qualificatif familier qui sous Henri III désignait les favoris du roi avec connotation homosexuelle
- Le froid du duc annonce sa mort.
- La question : doute ou impatience ?
LORENZO :
- Double énonciation : « il est toujours bon d’avoir une arme sous la main » : le lecteur attend le meurtre.
- Didascalie nécessaire au lecteur pour compréhension
- Rapport de force : vous-tu
LE DUC :
- Grossièreté du personnage : façon de parler des femmes + « la Catherine » : dénomination péjorative.
- Critique du langage : refus de jouer un langage c’est pourquoi il préfère se coucher plutôt que de parler.
- L’intimité de la chambre ou la seule présence de Lorenzo permet d’enlever le masque.
- « la Catherine » : tante de Lorenzo, elle est l’appât.
- Nouvelle question : doute ? annonce de la fuite avec « chevaux de poste » : le meurtre est prémédité.
LORENZO :
- La réponse spontanée est rassurante. Elle a été préparée comme le meurtre.
LE DUC :
- Ordre avec impératif + « donc » conclusif = seul intérêt : le plaisir
- Moment de coupure
- « ta tante » : associe encore une fois Lorenzo à son plaisir => case de sa mort la plus proche.
LORENZO :
- Réponse assertive qui répond à l’ordre
- Didascalie conforte encore le Duc
LE DUC :
- Nouvelle critique du langage qui fait jouer un rôle. Seul le plaisir physique importe.
- « j’ai soupé comme trois moines » : blasphémateur. « mes chères entrailles » reprend l’acte I, scène 1 = plaisir encore lié au péché.
- Court monologue qui révèle la vraie nature du Duc. Il est conscient de sa grossièreté : « ce sera peut-être cavalier » c’est-à-dire inconvenant.
Lignes 23 à 28 : le meurtre (attendu depuis l’acte III suite à l’annonce de l’acte à Philippe Strozzi)
LORENZO :
- Le meurtre se fait en 3 didascalies : violence grâce à la rapidité.
- « seigneur » : prise de distance, garde sa place de valet
- Question rhétorique : aucun attendrissement + nouvelle marque de confiance
LE DUC :
- « c’est toi Renzo » : surprise + référence à Brutus
- Renzo : véritable identité de Lorenzo ? volonté de retrouver celui qu’il était pour sa mère
- « Renzo » : surnom affectif qi montre sa confiance + accentue horreur du drame
LORENZO :
- Reprise de « Seigneur » = nouvelle distance
- « n’en doutez pas » = réaffirme sa volonté de changer et d’abandonner son masque ?
- « n’en doutez pas » = affirme son caractère meurtrier
SCORONCONCOLO :
- Arrivée du maitre d’armes : faire valoir de Lorenzo
- « est-ce fait ? » : brutalité de la formule marque la brutalité de l’acte + préméditation
- C’est une question rhétorique
Lignes 29 à 50 : la libération de Lorenzo
LORENZO :
- « regarde » : ordre ? prise à distance vis-à-vis de Scoronconcolo ?
- Morsure : côté bestial du Duc + seul réaction de Lorenzo : anti-héros romantique
- Bague sanglante : métaphore de la morsure
Anneau : lié au duc à jamais malgré la volonté de se libérer.
Noces : jour attendu depuis le début par Lorenzo et le lecteur. Sang = défloration. Epée = symbole phallique
SCORONCONCOLO :
- Exclamatives marque la découverte de la victime + début de la peur = il a conscience de ce qui va suivre.
- Sa peur va faire contraste avec la réaction de Lorenzo
- Sa réaction montre qu’il ne s’agit plus d’un acte politique mais individuel et libérateur.
LORENZO :
- Didascalie : ouverture sur le monde : romantisme
- Exclamatives (s’opposent à celles de Scoronconcolo) : explosion bonheur = lyrisme libérateur
- Renaissance avec « Respire »
- Oxymore « cœur navré de joie » = complexité du héros romantique : attitude froide lors du meurtre + délire lié à la libération
SCORONCONCOLO :
- Réaction annonce celle du peuple acte V
- Volonté de fuite avec son maître
LORENZO :
- Douceur du soir s’oppose au froid du Duc (l.1) = représente le cœur de Lorenzo
- Nouvelles exclamatives lyrique
- Retrouve le poète que sa mère regrettait
- Vocabulaire de la mort annonce l’acte V
SCORONCONCOLO :
- Viens -> venez, maître -> seigneur : volonté d’être plus ferme pour contrer l’aspect lyrique de Lorenzo pour la fuite.
- Opposition vent va glacer / vent est doux
- Sueur : 1er marque de la folie de Lorenzo ? = fièvre
LORENZO :
- Toujours des exclamatives
- N’écoute pas Scoronconcolo qui conseille la fuite = elle ne semble plus à l’ordre du jour.
- « dieu de bonté » : surprenant Lorenzo est athée ?
- Combiné à « quel moment ! » = instant de grâce = consécutif à une recherche de recueillement = Lorenzo a tout mis en place pour le tuer = libération personnelle
SCORONCONCOLO :
- Didascalie : oubli Lorenzo : se désolidarise. Il représente le peuple qui va préférer tuer Lorenzo plutôt que de se soulever contre les Médicis.
- Opposition entre « moi » et « son »
- « son âme se dilate » = folie ?
- « je prendrai les devants » + futur = la fuite est urgente
- Il veut fuir mais il ne peut pas
LORENZO :
- Revient à la raison avec ordre + retour à la réalité avec éléments matériels
- Rideau : fin de la pièce ?
- Déterminant démonstratif « cette » = distance, ce n’est plus sa chambre
SCORONCONCOLO + LORENZO :
- Frayeur : Pourvu que + exclamative.
- 1ere fois que Lorenzo répond directement à Scoronconcolo (Référence Acte III, scène 1) = préméditation du meurtre.
- Fait penser à une simple répétition.
- « tapage » : bruit de combat à l’épée.
- Quittent la pièce sans un regard pour le corps.
CONCLUSION
Cette scène pourrait être la dernière de la pièce. En effet, elle représente le meurtre attendu depuis le début et montre la libération de Lorenzo. Cependant il s’agit en fait d’un faux-dénouement car elle annonce en réalité l’acte V avec la mort de Lorenzo et l’échec de la révolte.
Ce drame romantique dont le héros est complexe car sans arrêt caché par un masque qu’il ne distingue plus lui-même est représentatif de toute une génération qui a connu la Révolution de juillet 1830. En effet, Lorenzo, comme le peuple français, tente de renverser une dynastie pour laisser la place au peuple sans succès. Pour Lorenzo, le peuple aura peut et préfère tuer le révolutionnaire. Pour la France, il n’y aura qu’un changement de dynastie (Charles X -> Louis-Philippe Ier)