Le roman et le personnage romanesque
I) Le roman, genre multiforme et complexe
1- Définition du mot roman
Il s’agit d’une œuvre narrative de fiction en prose relativement longue qui crée un monde et donne vie à des personnages imaginaires, les fait évoluer et donne l’illusion de la vie.
2- La diversité du roman
Il s’est développé librement, en dehors de toute règle.
Le roman historique est fortement ancré dans la réalité historique plus ou moins fidèle.
Le roman picaresque donne une vision du monde par les tribulations d’un personnage populaire, aventurier qui traverse les milieux sociaux.
Le roman d’aventures multiplie les péripéties sentimentales ou scientifiques (science-fiction)
Le roman d’apprentissage retrace l’éducation du héros dans son parcours affectif, social ou moral.
Le roman d’analyse privilégie la peinture psychologique, analyse les mouvements de l’^me et de l’affectivité.
Le roman de mœurs donne l’image d’une société, personnages mêlés au contexte social et politique.
Le roman policier propose une énigme, privilégie mystère et suspense. Personnages types : policier, criminel, détective.
Le roman épistolaire est composé de lettres de correspondants fictifs et multiples.
Le roman autobiographique voit un écrivain déguiser en fiction le récit de sa vie.
Roman et poésie : il a une trame narrative, il comprend des passages lyriques et surréalistes parfois proches de la poésie.
Roman et théâtre : il retrace aussi des conflits, des crises, possède des dialogues qui pourraient constituer des scènes de théâtre.
Roman et histoire : Il ne prétend pas être une science mais il peint aussi l’homme dans la durée, reconstitue une époque.
Roman et cinéma : Il n’est pas un art visuel mais raconte une histoire, ils ont certains termes en commun. De plus il y a de nombreuses adaptations de romans au cinéma.
Roman et essai : Il raconte une histoire mais fait partager des idées.
Roman et apologue : Il est ample et n’a pas de morale explicite mais il propose une vision de la vie et du monde et invite à tirer une leçon de leur lecture.
3- Les composantes du roman
L’auteur est la personne réelle qui a écrit le roman.
Le narrateur est celui qui raconte l’histoire. Le narrateur peut s’effacer complètement et manifester sa présence.
Le personnage est la créature imaginaire du romancier. Il n’existe que par l’imagination de l’auteur et du lecteur.
Le point de vue externe : Le narrateur voit, sait et raconte uniquement comme une caméra avec un angle limité. Il se limite à l’aspect extérieur. Neutralité, authenticité, documentaire.
Le point de vue interne : Le narrateur voit, sait et raconte uniquement comme un personnage avec un angle de perception limité dans le temps et dans l’espace. Mode restreint et subjectif.
Le point de vue omniscient (focalisation zéro) : Le narrateur voit, sait et peut raconter tout dans le temps et l’espace. Il connait tous les personnages et en sait souvent plus qu’eux. Compréhension complète et claire de la narration et crée une illusion réaliste.
La narration : l’histoire qui s’inscrit dans le temps et dans la durée. La suite d’épisodes constitue l’intrigue.
La description : Il s’agit de pauses, d’arrêts sur image. La description d’un personnage constitue un portrait.
L’argumentation : Les personnages peuvent être amenés à argumenter lorsqu’ils dialoguent ou réfléchissent.
II) Le roman au XVIIe et XVIIIe siècles
1- Les origines du roman
Les origines pourraient remonter à l’Antiquité du mélange entre épopée, ouvrages historiques et poésie pastorale. Il comporte déjà une intrigue fictive mais souvent vraisemblable.
Au Moyen-Age et à la Renaissance, épopée et roman étaient déjà confondus.
2- Le XVIIe siècle : entre baroque et classicisme
Le roman apparait comme un espace de liberté marqué par le spectaculaire, il se construit sur des histoires épiques.
Les romans baroques et précieux oscillent parfois entre deux tendances :
Merveilleux et idéalisme de la littérature précieuse : idéalise l’homme. (Le roman pastoral et sentimental et les romans héroïques qui sont des romans fleuves précieux)
Réalisme et burlesque souvent comique : décrit les réalités quotidiennes et prend en compte la diversité de l’homme.
Le roman classique, peu nombreux, sont écrits en réactions aux romans baroques. Ils visent la concision et la vraisemblance, il privilégie l’analyse psychologique, présente une portée morale et une vision pessimiste et austère de la vie et du monde.
La Princesse de Clèves est le premier véritable roman français : c’est un roman historique, d’analyse à portée morale.
3- Le XVIIIe siècle : variété et liberté des Lumières.
Le roman rend désormais compte des aspirations du siècle et de l’évolution de la pensée et de la société.
Le roman des Lumières se fait le reflet de la société.
Le roman d’apprentissage montre un être humain qui se construit à partir de ses expériences. Le roman de mœurs peint la société, les vices de la société et prend une portée morale. Le roman philosophique confronte le héros à des personnages qui soutiennent des thèses philosophiques autour des problèmes du siècle.
Le roman sentimental des Lumières exprime une sensibilité qui se fait l’écho du cœur et de l’âme. Ils annoncent déjà le XIXe siècle avec des thèmes chers aux romantiques : amour, nature et exotisme.
III) Le roman du XIXe siècle à nos jours
1- Le XIXe siècle, siècle du roman
1800-1830 : des débuts difficiles : Le roman reste toujours en marge de la littérature (écrit par et pour les femmes). Le roman du XIXe siècle nait du roman psychologique, historique et d’aventures.
1830-1850 : reconnaissance et promotion : Il fait enfin son entrée dans la littérature. Il s’ancre alors dans un réel proche du lecteur. Les personnages sont des types humains. En même temps, le roman-feuilleton passionne d plus en plus le lectorat populaire. Le héros romantique est un être hors du commun (sensible, avec une grandeur d’âme ou alors abject), il est proie de passions violentes.
1850-1900 : les romans réalistes et naturalistes : Le héros est désacralisé, les personnages sont ordinaires voire collectifs Le roman naturaliste est inspiré de la génétique et des sciences expérimentales.
2- Le XXe siècle : fluctuations du personnage et roman en crise
Les romanciers tentent de pénétrer leur univers intérieur et de donner une vision subjective du monde à travers leurs personnages.
Les bouleversements historiques servent de toile de fond à des romans qui s’interrogent sur le sens de l’existence.
Certains romanciers perpétuent le principe des suites romanesques qui suivent le destin de familles entières.
La seconde moitié du XXe siècle conteste le modèle romanesque : les romanciers surréalistes désarticulent le personnage au gré de leur imagination libérée. Le nouveau roman conteste la tradition romanesque et le personnage qui est soit totalement détruit soit un antihéros.
Le personnage a pourtant survécu et fait même preuve de vitalité surtout dans les littératures étrangères. En France, le personnage est en quête d’identité et de bonheur. Le personnage renvoie au lecteur une image de la modernité et du monde qui l’environne.
3- Quelques romans à connaitre
La Princesse de Clèves, Mme de Lafayette
Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos
Le Rouge et le noir, Stendhal
Le Père Goriot, Balzac
Madame Bovary, Flaubert
Les Misérables, Hugo
Germinal, Zola
La Symphonie pastorale, Gide
Thérèse Desqueyroux, Mauriac
Voyage au bout de la nuit, Céline
La Condition humaine, Malraux
L’Etranger, Camus
Les Choses, Pérec
IV) La construction d’un personnage romanesque
1- La création du personnage
Le nom identifie et place le personnage dans un milieu, dans un pays. Le nom révèle souvent l’origine sociale et marque aussi la fonction dans un groupe social ou familial.
Le portrait physique peut être statique ou en action. Le portrait moral analyse le personnage et donne l’impression de le connaitre et de pouvoir anticiper sa conduite.
Le portrait en paroles renseigne sur le niveau social et culturel,… du personnage. Il y a plusieurs façons de rapporter les paroles.
Le milieu et le décor définissent le personnage. Les naturalistes insistent sur l’interaction entre le milieu et le personnage. Certains lieux ou objets éclairent le personnage et révèlent son univers mental.
Les personnages s’éclairent mutuellement : ressemblance, complémentarité, contraste.
2- La nature et le statut du personnage
Le personnage est totalement fictif ou historiquement réel, il peut être un individu ou un personnage collectif, il peut être un héros ou un antihéros.
Le personnage principal domine le roman et l’action tourne autour de lui. Les personnages secondaires gravitent autour de ce dernier. Les « figurants » n’ont pas d’épaisseur psychologique mais servent à recréer un monde autour du personnage principal.
Certains moments clés sont très formateurs : initiation, rencontre, action, rupture,… Des retours en arrière et des prospectives permettent au romancier de rendre compte de cette évolution.
V) Personnage, narrateur, auteur et lecteur
1- Le personnage romanesque et son narrateur
Le personnage est dépendant du narrateur, il se construit grâce aux choix du narrateur. Il intervient et marque son jugement directement ou indirectement. Le narrateur joue des différents points de vue.
2- Le personnage romanesque et son lecteur.
Le roman est destiné à une lecture personnelle, son rapport est le lien entre le lecteur et les personnages. Le lecteur retrouve en lui ses aspirations profondes. L’identification peut aider le lecteur à se comprendre lui-même ou à comprendre l’être humain.
3- Le personnage romanesque et son auteur
Ils sont inévitablement liés à son auteur. Il peut être le reflet de l’auteur, le héros porte-parole (incarne les idées et la vision du monde de leur auteur) ou le personnage repoussoir (l’attitude contraire à celle de l’auteur fait comprendre les idées de l’auteur)
4- Destinée et fonctions du personnage romanesque
Le personnage prend place dans l’imaginaire collectif. Il peut être représentatif d’une époque, il peut accéder au rang de type ou devenir un symbole. Lorsqu’il atteint la dimension du mythe, il est souvent l’objet de réécritures.
A travers ses personnages, le roman peut avoir pour but de divertir, de dépayser, de peindre et instruire une meilleure connaissance d’une époque et d’une société, d’exprimer ses convictions ou de poser des questions existentielles.
VI) Etudier l’ordre et le rythme d’un roman
1- S’interroger sur l’ordre de présentation des événements
L’ordre chronologique est-il respecté ? Situation initiale, élément perturbateur, péripéties, situation finale.
L’ordre chronologique est-il bouleversé ? Analepses (retour en arrière), prolepses (anticipation)
Le roman épistolaire a généralement une structure labyrinthique (l’intrigue est éclatée). Il repose sur des jeux d’échanges (rappels et annonces). Il y a un brouillage de la chronologie. Il se crée des jeux de miroirs.
2- S’interroger sur le rythme de la narration
Le narrateur ne raconte jamais tout. Il peut choisir d’accélérer, de ralentir ou de suspendre le temps du récit. Si le temps du récit est supérieur à celui de l’histoire, on a une pause ; si le temps du récit est inférieur à celui de l’histoire, le rythme est rapide.
Le narrateur accélère-t’il le rythme ? Le narrateur ralentit-il le rythme ? Le sommaire : le narrateur résume une longue durée. L’ellipse : certains événements sont passés sous silence. La pause : le narrateur arrête le temps. Le ralenti : il étire le temps.
Le narrateur peut donner l’illusion que la durée réelle d’un événement raconté est celle de la lecture (c’est une scène). Sa fonction est de faire vivre en direct un temps fort par le dialogue et l’abondance de précisions.
VII) Analyser un début de roman
1- La fonction informative du début de roman
Pour savoir si le roman remplit sa fonction, il faut pouvoir répondre à ses questions : qui ? Quoi ? Où ? Quand ?
Il faut également se demander à quel rythme sont données les informations : début statique ? Progressive ? in medias res ?
2- La fonction d’accroche du début de roman
Quels sont les moyens pour inciter à poursuivre le lecteur ? Quelles attentes pour la suite ?
3- L’instauration d’un contrat de lecture
Le début indique-t’il clairement le genre du roman ? Le narrateur se situe-t’il en dehors de l’histoire ? Le narrateur raconte-t’il son histoire, est-il un personnage secondaire ou un témoin ?
Qu’en est-il du lecteur ? Est-il un simple témoin ? Joue-t-il un rôle dans le roman ?
VIII) Le roman et les autres arts
1- Roman et autres arts : un regard sur une époque
Il porte les marques de la sensibilité, des gouts esthétiques, de la vision du monde de son époque. Les romanciers et les artistes traient souvent des sujets similaires avec un regard identique.
2- La fonction descriptive : roman et peinture
Le roman et la peinture ont tous deux une fonction descriptive : ils reproduisent un lieu ou un personnage. La peinture inspire aussi certains romanciers qui mentionnent un tableau, retracent le cheminement créateur,… Certains romanciers ont pratiqué le dessein et même illustré leurs romans.
3- La fonction narrative : roman, opéra, cinéma et BD
Ils ont une fonction narrative, ils racontent une tranche de vie et reposent sur une intrigue. Le roman peut être source d’inspiration de l’opéra, du cinéma (les effets spéciaux ont favorisé l’adaptation des romans fantastiques ou de science-fiction). A l’inverse, le cinéma inspire parfois les romanciers. Le roman inspire parfois la BD, le roman graphique propose une histoire aussi étoffée que le roman.
éditions Hatier année 2011